mardi 20 septembre 2016

Connais-tu?

Y'a un mythe concernant les personnes handicapées qui me pose problème - d'accord il y en a beaucoup, j'avoue - c'est celui que toutes les personnes handicapées se connaissent. 

C'est pas le cas :-)

Dans les cinq premières minutes que je rencontre quelqu'un, il ou elle me parle de sa mère, de son frère ou autre parent ou connaissance qui est en fauteuil roulant. Et qu'il ou qu'elle connait ça les personnes handicapées parce qu'il ou qu'elle s'est "occupé" de cette personne handicapée.




Et il n'est pas rare  que l'on me demande si je connais cette personne. Avouez que comme "salutation" y'a mieux! 

J'imagine que j'ai une bouille sympathique et que les gens se sentent rapidement familier avec moi. Cet aspect me plait car je ne veux absolument pas mettre les gens mal à l'aise face à moi qui est en fauteuil roulant. Mais parfois - assez souvent- je trouve que ces gens agissent de façon un peu trop cavalière avec moi.

J'imagine que les gens agissent ainsi pour me donner confiance et pour que je me sente en sécurité. Mais c'est exactement le contraire qui se produit! Chaque personne est différente  alors ... pourquoi est-ce que toutes les personnes    handicapées seraient pareil?  Et comme que chaque personnes handicapées est différente, la façon de rentrer en relation et d'interagir avec elle est dfférent.

Quand je rencontre quelqu'un qui me dit, avec de  la fierté dans la  voix,qu'il s'est "occupé"de sa grand-mère en  fauteuil roulant,  c'est loin  de me rassurer! Fort à parier que j'exprime plus mes besoins qu'une grand-mère en fauteuil roulant. La plupart des personnes âgées éprouvent une certaine  honte à être en fauteuil roulant et m'expriment pas toujours leurs  besoins et/ou désirs.Bien que j'aimerais ne pas être en fauteui roulant, je n'en ai pas honte. Je n'en retire pas de la fierté mais j'en ai pas honte tout comme je vais demander de l'aide pour une tâche spécifique si nécessaire.

Le  mythe que toutes les personnes handicapées se connaissent entre elles est encore plus fort dans la même ville ou village. Dans ce cas-là, en plus "supposément" connaitre les autres personnes handicapées, il est fréquent de se faire prendre pour une autre personne handicapée.

Quand il y a une ressemblance, je fais preuve d'indulgence mais la plupart du temps la ressemblance se limite … au fauteuil roulant. Pis encore: la similitude se limite au fait d'être assis et pas au même "niveau" que la plupart des gens.

Rare sont les fauteuils roulants identiques. Petite anecdote: il y a quelques années j'ai pu me procurer un deuxième fauteuil pour mon travail. La kyrielle de spécialistes que j'ai rencontré à l'époque m'ont assurer   que le deuxième fauteuil roulant (celui pour mon travail) serait en tout  point pareil au premier (celui que j'utilise tous les jours). Je reçois le fauteuil roulant numéro 2 qui semble à première vue identique au numéro 1 excepté la couleur. Comme les deux sont identiques, je peux les interchanger, que je me suis dis, et utiliser le numéro 2 pour mon quotidien et le numéro 1 pour mon travail. Erreur que je me suis empressé de  rectifier le lendemain: je ne passais plus dans les cadres de porte de mon appartement!

Ok, mon exemple est extrème et moi-même je me suis faite avoir mais ... comment confondre un fauteuil roulant motorisé avec un fauteuil roulant manuel? Un quadriporteur et un fauteuil motorisé?







Ça c'est pour l'aspect "bébelle"  du problème. Je comprends qu'une personne qui ne connais pas la terminologie et les spécificités des différents appareils PEUT -et je dis bien peut- se tromper. Je crois que ces confusions seraient facilement évitables si les gens prenaient un petit temps d'observation/réflexion avant de parler.

L'autre aspect du problème -et celui qui me tourmente le plus- est la confusion que la plupart des gens font des personnes handicapées. Et en particulier des personnes en fauteuil roulant car tel est mon cas.

Lorsque la méprise ne se produit qu'occasionnellement je fais preuve de compréhension mais quand la situation se répète top souvent ... ma patience est mise à dure épreuve!

Une personne handicapée est tout d'abord ... une personne. Avec sa personnalité, ses goûts, ses défauts, ses qualités. Qu'en pensez-vous? Seriez-vous du genre à me confondre RÉGULIÈREMENT avec une autre personne en fauteuil roulant?

vendredi 5 février 2016

Une ou deux fois par an

je fais le lavage de mon fauteuil roulant.

Bien que le manuel d'entretien de fauteuil roulant recommande de faire ça à tous les mois, je ne suis pas assidu à la tâche. À moins d'un événement "salissant", genre une promenade dans la bouette ou une réparation, je ne suis pas du genre à passer le chiffon savonneux sur mon fauteuil roulant (d'ailleurs, je devrais dire le fauteuil roulant car il ne m'appartient pas, il m'est prêté ... pourrait-on pas me prêter des jambes fonctionnelles à la place?)


C'est vrai que lorsqu'Apothéose, nom donné depuis peu à mon fauteuil roulant, est tout propre, il roule beaucoup mieux et les mécasnismes fonctionnent adéquatement. Mais ... je trouve compliqué de préparer une telle tâche et, je l'avoue, je trouve ça un peu tannant. Je serais du genre à laiser Apothéose sur le perron par une journée pluvieuse.

Donc, dernièrement fût une de ces journées. La tâche est pas si terrible que ça, c'est la préparation qui est longue. Je dois m'assurer que tout ce que j'aurais besoin dans les prochaines minutes soient à la portée de main car ... une fois "débarqué" de mon fauteuil roulant et assis sur le plancher, je ne veux pas avoir à "réembarquer" dans mon fauteuil roulant pour aller chercher des chiffons ou des broches et/ou  ustenciles. He oui ustencile car la poussière et la crasse se faufillent partout. Pis y en a des petits racoins sur un fauteuil roulant!

Un bol d'eau savonneuse, un autre d'eau clair, des chiffons en masse, des cure-dents, des broches et même un couteau près de moi, je m'assois à terre dans la salle de bain et me met au boulot. Je commence par le plus facile: le dossier extérieur et intérieur. Le revêtement du coussin va directement à la laveuse et sécheuse. Le dossier est en tissu et je passe un chiffon humide dessus et ça fait la job. L'air ambiant le sèchera pendant que je fais le reste.

En étant assis pas terre, je suis à la bonne hauteur pour nettoyer les tuyaux sous le fauteuil. Là il y en a de la poussière et de la crasse! C'est à peu près l'équivalent  d'un dessous d'auto: assez proche du sol pour que la poussière ait pas trop long à faire pour s'agripper à quelque chose. Et ce quelque chose se trouve à être le dessous de mon fauteuil roulant! Je passe allègrement  un chiffon humide afin de dépoussièrer Apothéose. C'est aux jonctions que c'est un peu plus compliqué mais ... le plus dur s'en vient.

Maintenant, je m'attaque  au devant: là où il y a plein de raccoins aimants à crasse. J'ai enlevé mes appuis-pieds. J'utilise une longue broche pour nettoyer les tuyaux où les appuis-pieds s'accrochent. Ce sont des trous sans fond: j'en découvre des choses là-dedans! Des  trombones, des  bouts de papier, des cheveux, de la poussière en quantité, des petites roches, des  morceaux de chocolat et même un mini-crayon. Chaque découverte me rappellent un événement et je vois dans ma tête comment cet objet s'est retrouvé là.


Je demande de l'aide pour basculer le fauteuil roulant sur le côté et enlevé la grande roue.  En pressant au milieu et en tirant, on réussit à dégager la roue. Je la nettoie sommairement et la met de côté afin de me concentrer à "plus sale". Effectivement, les essieux sont remplis de fils (peut-être des cheveux). J'en enlève plusieurs à la  main car je ne veux pas passer un chiffon et enlever l'huile nécessaire au bon fonctionnement du mécanisme de la roue. La roue partie, j'ai accès à des endroits salis par la poussière et la bouette des chemins inaccessibles quand lsa roue est en place.

Je frotte avec un chiffon d'eau savonneuse pour ensuite rincer et essuyer. Je fais le même manège pour toute les structures du fauteuil roulant qui me sont accessibles. Quand un côté me semble propre et départie de sa crasse, je "m'attaque" à l'autre côté après avoir remis la roue en place. Le deuxième côté est un peu plus sale que le premier. J'utilise un couteau pour "décoller" les saletés qui ne veulent pas partir avec juste de l'eau et du savon. C'est fastudieux mais ... j'y arrive. J'assèche le tout avec mes chiffons secs.

C'est fini! Je replace la roue et bascule le fauteuil roulant "sur ses roues". Je le fais rouler un peu en le tirant et promenant avec mes bras (je suis toujours assis par terre) pour vérifier mon travail et que celui-ci a pas nuie au bon fonctionnement d'Apothéose. Tout semble parfait et je peux maintenant "réembarquer" dans mon fauteuil roulant.

Comme je m'assois dans mon fauteuil roulant, un ami arrive à la maison pour m'inviter à aller prendre un café avec lui. J'accepte sans, déjà, plus penser qu'Apothéose est encore humide. Je m'habille chaudement pour sortir dehors par cette froide journée de janvier. Nous allons "à pieds" car le bistro est pas loin de chez moi. On flânent et on rigolent au bistro tout en sirotant notre café. Sur le chemin du retour, on rencontre des connaissances; on jase un peu. C'est en rentrant dans la maison que mon ami me demande: "Est-ce normal qu'il y ait du frimas sur ton fauteuil?"



mercredi 20 janvier 2016

Mr. Gwyn

de l'écrivain Alessandro Barrico


Livre que j’ai adoré et que j’ai dévoré en … deux jours!

C’est un écrivain qui après avoir publié une note dans le journal disant qu’il n’écrirait plus de roman se rend compte que l’écriture lui manque.
Il décide donc, au dam de son agent, d’écrire des portraits de gens.
Il se donne le nom de copiste.



Voici quelques extraits succulents:

Elle s’aperçut qu’elle avait une façon odieuse d’être charmante. (p.83 )

Elle éprouva alors l’ombre d’une pitié lointaine. (p.84 )

Mais tant de soin mis à fixer des limites et des contraintes cachait peut-être en lui le désir intime de s’aventurer au-delà de toute norme, ne serait-ce qu’une fois, à n’importe quel prix - comme pour arriver au bout d’un chemin. (p.85 )

Il se permit un sourire discrètement sceptique. (p.87 )

Il avait une façon merveilleuse de faire cafouiller tout ce qu’il touchait. (p.88 )

Il ne fût pas très simple. (p.90 )

C’était un homme de tempérament adorable. ( p.90 )

Il se trouvait derrière son bureau en train de lire. Il était toujours en veste et cravate parce que, soutenait-il, les livres méritent un certain respect. (p.92)

Elle comprit soudainement avec la même fulgurance que quand on découvre parfois longtemps après des choses qui sont sous nos yeux depuis toujours, juste en apprenant à les regarder. (p.98)

J’ai un faible pour les gens qui disparaissent.( p.100)

Nous avons tous une certaine idée de nous-même, peut-être à peine ébauchée, confuse, mais au bout du compte nous tendons à avoir une certaine idée     de nous-même; et la vérité est que bien souvent nous faisons coincider cette idée avec un personnage imaginaire dans lequel nous nous reconnaissons.. Mais nous ne sommes pas des personnages mais des histoires. (p.102)

Chacun de nous s’arrête à l’idée qu’il est un personnage engagé dans Dieu sait quelle aventure, même très simple, or nous devrions savoir que nous sommes toute l’histoire et pas seulement ce personnage. (p.102)

Chacun de nous est la page d’un livre, mais d’un livre que personne n’a jamais écrit et que nous cherchons en vain dans les rayonnages de notre esprit. (p.103)

Nous sommes tant de choses, nous les hommes. (p.103)

J'adore la façon que cet auteur, Baricco, accole des mots que l'on ne serait pas porté à mettre ensemble (odieux et charmant)   mais qui a bien y penser VONT ensemble. Une autre chose que j'ai beaucoup aimé dans ce livre, c'est la façon que prend l'auteur pour dire les choses différemment (il ne fut pas facile au lieu de  ce fut difficile).

Ce que je m'efforce de vivre tous les jours et que je défend ardemment, soit que nous sommes le héros de notre vie, trouve un écho dans ce livre. Un faible écho, mais un écho pareil! Imaginez quelques instants que quelqu'un écrive l'histoire de votre vie. Vous en seriez probablement le personnage principal. Pour ce qui est de moi, certainement comme je le dis dans cette page.

Je lis beaucoup et ce bouquin est l'un de ceux qui m'ont réchauffé le coeur. Le genre de livre qu'on ne veut pas finir tant il est plaisant de le lire. Vous est-il déjà arrivé de ressentir quelque chose de semblable avec un livre? J'aimerais savoir...

Je recommandre cette lecture à tous ceux et celle qui veulent passer un bon moment avec un des auteurs que l'on qualifie de brillant.